HIC ET NUNC (2019)

À un maintenant succède un autre maintenant et etc. et tel quel. [1]

texte de Cynthia Fecteau 

La généalogie est au fondement de l’installation HIC ET NUNC de Cindy Dumais. Elle se manifeste dans cet état toujours naissant qu’est la chair de ses œuvres traversées par des temps actuels et passés, peuplés de citations formelles et littéraires. Une chair tangible ponctuée de vide immatériel, comme celle de cette aquarelle devant laquelle je m’interroge : par quelle alchimie sommes-nous liés ? Une silhouette enveloppante, flottante, aussi légère qu’un voile de brouillard, a traversé la surface picturale, pour lier un enfant à une femme au visage hilare. Êtres qui surgissent, apparitions dont le passage résonne avec une trace de poudre blanche diffuse au sol.

En périphérie, je reste suspendue dans l’apesanteur sémantique des mots HIC ET NUNC, brodés de fils métalliques sur une étoffe matte, marouflée sur un volume renflé et présenté au mur. Signifiant littéralement, en latin, ici et maintenant, ces mots me rappellent qu’il vaut mieux reconnaître la finitude de nos corps, célébrer leur propension à la métamorphose. Un détail essentiel me retient: une mouche posée sur le plan saillant de l’œuvre élargit la longueur d’onde du présent, complice à la fois de la putréfaction de la chair et du recommencement de la vie.

Plus bas, mon regard embrasse les cinq masses compactes, rassemblées au sol sous un monolithe noir. Son poids écrasant, à l’image d’un tombeau, pèse sur les corps des gisants inanimés. J’éprouve avec eux le Je de l’écriture sur l’art, son impermanence et sa variabilité : un mélange spéculaire et mystérieux de réflexions esquissées et de visions en bribes qui s’inventent devant la présence auratique des choses ou des êtres apparaissants.

[1] Clarice Lispector. Un souffle de vie (pulsations), Traduit du portugais par Jacques et Teresa Thiériot, Paris : Éditions Des femmes – Antoinette Fouque, 2018, p. 141.

 

 

 

 

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